Préparation mentale: Michèle Massina, vainqueure du World Master Games 2013 de tir à l'arc
Préparation mentale: témoignage de Michèle Massina
Pourrais-tu présenter ton parcours au tir à l'arc?
J'ai
commencé le tir à l'arc très tard, à 39 ans. Simplement parce que la
musique (études puis concerts) m'avait détournée du sport pendant de
nombreuses
années. Néanmoins, ayant eu un père très sportif qui nous a poussé dans
cette voie : j'ai débuté
le sport dès 5 ans de manière "sérieuse" et puis j'ai fait les Humanités
Sportives avant de rentrer au Conservatoire de Musique ; cela me
laissait de bonnes bases pour reprendre une activité. Pourquoi le tir à
l'arc ? Car pendant toute mon enfance, j'ai construit
des arcs et des arbalètes avec mes frères, c’était une véritable
passion. Quand je me suis dit qu'il était temps de recommencer le sport,
c'est tout naturellement le tir à l'arc qui s'est imposé à moi. Est-ce
la pratique enfantine qui m'a formée ? Ou la discipline
de la musique ? Il est certain que j'étais "douée" de nature et que j'ai
très vite fait des points d'élite. Ce qui m'a permis malgré mon âge d'entrer
dans les élites Belges à 43 ans.
- Quel est penses-tu le(s) secrets des bonnes performances que tu as réalisées?
Un objectif d'amélioration constant, beaucoup de travail, de détermination sur tous
les aspects du tir à l'arc : technique bien sûr, mais aussi mental, condition physique, nourriture et la recherche du "beau
geste" tout comme la belle phrase musicale. Méthodologiquement : des objectifs précis à chaque étape de mon parcours.
- Pour toi, la préparation mentale: c'est quoi? En quoi est-ce important?
La préparation mentale c'est pour moi apprendre à me connaître. Quelles
sont mes qualités et quelles sont mes faiblesses ? De là, continuer à
développer mes qualités et à transformer mes faiblesses.
- Comment as-tu été amenée à faire un travail de préparation mentale pour tes compétitions?
Simplement
parce que je pense que je ne suis pas vraiment compétitive de nature.
Si une partie de moi déteste perdre et fera tout pour ne pas
perdre, le fait de "gagner" n'a jamais été une réelle motivation. Cela
se traduisait dans mon tir par de belles performances en ticket (les
qualifications : moi seule face à ma cible) et une montée de stress
terrible avec une perte de mes capacités en duels
(éliminer une adversaire).
Ce
qui m'a interpellé c'est la question : pourquoi perdre mes moyens en
duel ? Et comme je n'aime pas perdre, j'ai cherché un coach mental pour
comprendre le processus et surtout avoir des outils pour garder mon
niveau en toutes circonstances. C'est comme cela que j'ai rencontré
Manuel Dupuis et que nous avons préparé mon premier Championnat d'Europe
en 2010.
- Qu'est ce que tu as dû travailler au niveau mental?
J'ai
cherché pourquoi gagner ou être la première ne me motivait pas
spécialement et pourquoi le fait d'éliminer une adversaire me donnait du
stress. Et bien sûr : qu’est-ce qui me motivait au tir à l’arc.
C’est-à-dire : où mettre mon énergie pour progresser ?
Peux-tu un peu expliquer les différentes étapes de ton travail mental?
Peux-tu un peu expliquer les différentes étapes de ton travail mental?
Outre
les outils d'aide travaillés en coaching : image ressource, ancrage,
rituel, visualisation, respiration ... j'ai fait un travail plus large
pour comprendre si les deux points cités plus haut étaient présents dans
les autres aspect de ma vie. Par exemple j'ai découvert en faisant des
réussites (cartes) que quand je savais que j'allais gagner, mon intérêt
pour le jeu tombait. En fait c'était la difficulté
du jeu en lui-même qui m'intéressait. Donc j'ai pratiqué avec les cartes
cet aspect de mon mental, j'ai fait des réussites en "m'obligeant" a
rester concentrée et intéressée jusqu'à ce que je gagne et en me
félicitant chaudement de ma réussite.
J'ai
fait aussi énormément de petits et moyens concours, quasi tous les
week-end où je gagnais pratiquement chaque semaine, afin d'apprendre
à apprécier la première place.
Ensuite
comme je suis quelqu'un d'assez autonome, j'ai étudié moi-même le
coaching pour m'auto-coacher. J'ai basé mes 3 ans d'études de coaching
sur le tir à l'arc et les fameux deux points : gagner et éliminer.
Pour moi, l’obtention des deux médailles d'or : Championnat d'Europe par Equipe en 2010 et Championnat du Monde Master (World
Master Games) en 2013, est basée sur un travail mental très différent. Pour
l'Europe
je me suis appuyée sur Manuel Dupuis, nous avons fait le travail mental
en duo : préparation de plusieurs mois et contact par mail tous les
jours du
concours. Et pour les WMG je me suis plus mise en lien avec mes
ressources personnelles, seule face à la cible. Aidée cependant par mon
mari qui a pris en main toute la logistique, ce qui m'a permis d'être
libre de me concentrer sur mes ressources, ma force
intérieure.
- Quels bénéfices en as-tu retiré?
Tout
ce travail a renforcé mon estime de moi et je me sens en "paix" avec
moi-même, comme si le fait d'arriver à ce niveau était un contrat enfin
rempli. Je me connais mieux et si éliminer une adversaire ne me pose
plus de problème, le fait de gagner n'est toujours pas ma motivation
principale. C'est par contre un gain secondaire que je peux apprécier.
Ma motivation principale est devenue plus claire,
précise et s'est encore renforcée. C'est aller au bout de mes
possibilités et garder mon niveau en toute circonstance. Tant au niveau
de ce que l'on voit : les points,
qu'au niveau de
ce qui est plus subtil : un beau geste,
une union entre le corps (la technique), le mental (état d'esprit,
concentration) et la respiration (le rythme). C'est ce que j'ai trouvé
dans la finale des World
Master Games cet été, une union de tout cela.
- Peux-tu donner quelques exemples de techniques que tu as apprises et que tu appliques?
J'aime beaucoup l'image ressource, le petit geste d'ancrage.
J'applique aussi la visualisation avant une compétition (SAP)
Quelques techniques anti-stress : EFT, respi, méditation avant et pendant le concours si besoin.
J'ai beaucoup utilisé la musique classique entre les volées pendant un certain temps.
Ce qui m'a poussée plus loin pour les WMG
et qui a été véritablement la ressource principale : la sophrologie que
j'ai pratiquée avec Stéphane Bolo (coach spécialisé en tir à l'arc et
sophrologue) pendant une semaine dans les Alpes, 1 mois avant les Jeux.
- Quels sont tes objectifs pour l'avenir?
1.
Je sais que j'ai encore une marge de progression : il y a quelques
détails techniques à affiner et ce qui m'intéresse le plus pour le
moment c'est
l'endurance au niveau de la concentration. Je vais tout faire pour
améliorer ces deux points. J'ai par exemple battu le record de Ligue en
septembre 2013
au Championnat de Belgique (344 + 342 = 686) ; et pourtant j'ai eu deux
moments creux ! Concentration, endurance physique, sucre ?.. Augmenter
les points cela m'intéresse pour le moment car c'est le reflets direct
de ma concentration, être présente à chaque
flèche pendant environ 3 heures, en cherchant à comprendre et donc à
éliminer les baisses de régime.
2.
Je viens de donner ma démission aux Elites Belges car le système ne
soutient plus les athlètes de plus de 24 ans ! A partir de maintenant je
vais
tirer en "free lance" accompagnée de mon mari qui est également un excellent
archer et moniteur 2ème niveau. Prochain but international : Berlin en décembre 2013.
Michèle Massina nous
parlera de son expérience lors de notre prochaine formation en préparation mentale destinée aux cadres sportifs.
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