Psychologie du sport et préparation mentale à la compétition avec les enfants: interview de trois professionnels
Trois spécialistes répondent à quelques questions:
Virginie Lemaire de Bressy- VL- (psychologue du sport en France à Nice- Vpro Coaching http://vpro-coaching.fr/),
Eric Medaets-EM- (sophrologue du sport en Belgique),
Manuel Dupuis-MD (psychologue du sport et préparateur mental en Belgique).
1/ Pourriez-vous vous présenter (formation , expérience) et expliquer
dans quel contexte vous travaillez avec des enfants dans le sport?
V
L : Je suis issue d’un double cursus :
une licence STAPS, un master de psychologie pour conclure avec un doctorat en
psychologie du sport. J’ai également des certifications de coaching et de PNL. Je
travaille depuis maintenant 10 ans avec tous types de sportifs, incluant donc des
enfants.
E M : Kinésithérapeute et sophrologue spécialisé dans le domaine du sport. Ancien basketteur joueur et coach, j’accompagne des sportifs de différentes disciplines depuis 47 ans. Expérience en Babybasket (président de le FBBB), entraineur mental à l’Association Francophone de Tennis (aft) durant 4 ans… Président cofondateur de SportExpérience…
MD : Je suis psychologue du sport et
préparateur mental depuis 2003 et je coordonne les activités de Psychosport à
Bruxelles. Je reçois des enfants et leurs parents dans mon cabinet et parfois
sur le terrain, pour répondre à des demandes le plus souvent de
gestion du stress ou de travail de de la confiance en soi en compétition. Ce
sont les parents qui proposent souvent à leurs enfants la démarche de venir me
voir, mais parfois, ce sont les jeunes qui le demandent eux-mêmes ; dans
ce cas, ils ont souvent entendu qu'un ami ou une idole de leur sport vont voir
un "coach mental" ou un "psy du sport", et ils veulent
faire la même chose et pensent que cela va les aider
2/ Quels sont les enjeux auxquels sont confrontés les enfants en milieu
sportif et comment les aider par rapport à cela?
V L : En sport, chaque choix
à des conséquences visibles, puisque la performance peut très vite fluctuer. Les
enfants sportifs sont donc confrontés assez tôt à leurs propres
responsabilités : si je m’entraine, je
peux progresser et gagner, sinon…. Cette conscience des choses développe une
certaine maturité qui peut être bénéfique car elle aide à apprendre de ses
difficultés. Mais, elle risque aussi de les soustraire trop tôt à leur
condition d’enfant en les privant d’une part d’insouciance. Selon moi, l’important
c’est donc d’aider les enfants à trouver comment avancer sans culpabiliser et comment
trouver l’équilibre pour s’épanouir dans leur sport.
E M : Le premier enjeu c’est
de les préserver de la pression exercée
par l’entourage, en évitant la « championite ». Le second objectif
est de garder la notion de jeu, souvent absente dès un certain niveau. Le
plaisir de jouer est l’élément essentiel à activer sans modération.
MD : Les enfants sont baignés de plus en plus tôt, et de manière de plus en plus intense, au monde de la compétition, de la pression et du surentraînement. Ils sortent trop tôt d'un rapport de plaisir au jeu qu'est le sport et sont confrontés à des rythmes de vie très difficiles à cet âge, mettant parfois à mal les relations ordinaires des jeunes de leur âge. De nombreux enjeux identitaires et de développement se posent, impliquant parfois des choix que l'enfant n'est pas vraiment à même de faire. Le stress apparaît très souvent avec la rencontre du monde de la compétition. Les moments de compétitions sont alors souvent moins performants que l’entraînement.
3/ Pensez-vous que la préparation mentale soit indiquée pour les
enfants et à partir de quel âge?
V L : Pour performer et se
sentir bien dans son sport, il est important de travailler le mental :
augmenter la confiance en soi, savoir gérer son stress, être concentré et motivé
au bon moment et de la bonne manière par exemple. Sur ce point, c’est la
même chose pour les enfants et les adultes. Je pense donc qu’à partir du moment
où les enfants sont capables de se fixer des enjeux pour eux- même, ils peuvent
tirer profit de la préparation mentale, soit vers 7 ans environ.
Ceci dit, la personnalité et la
motivation priment sur l’âge, le préparateur mental doit donc savoir s’adapter
avant tout. D’autant plus que les enfants ont la particularité d’être en pleine
construction, tout ce qu’ils assimilent structure le futur adulte qu’ils
seront. Il est donc important de les aider à gérer correctement les échecs et
les difficultés pour éviter les traumatismes et de valoriser leurs compétences
et leurs qualités pour qu’ils puissent s’appuyer plus tard sur des bases
solides.
E M : Pour jouer, un enfant n’a pas besoin d’entrainement
mental ! Hélas 75% des sportifs qui viennent me voir sont âgés de 8 à 12
ans ! Ce n’est pas normal et je considère cela comme un échec des
entraineurs qui devraient se remettre en question. En dessous de 12 ans je ne
vois l’enfant accompagné de ses parents qu’une à deux fois, pas plus et je
refuse d’entamer un suivi plus long. Vous avez déjà vu des enfants jouer au
football pendant la récréation ou dans un parc : ont-ils besoin d’un
préparateur mental ? Non ils
s’amusent : laissons-les jouer !
MD : Je pense qu'un accompagnement psychologique et un entraînement
mental sont très souvent indiqués, car il est essentiel que l'enfant puisse
garder un rapport ludique et empreint de plaisir avec le sport. Cela ne devrait
pas être ainsi, mais les enfants doués sont très tôt mis dans un contexte
intense de compétition, source de stress et de fatigue, et qui met aussi à mal
les parents, pris dans des rythmes de vie hors du commun, et ayant aussi du mal
à trouver la juste place à occuper.
Bon nombre de sportifs développent un lien "stressant" avec
leur sport. Ceci les amènera souvent à ne pas exploiter leur potentiel
technico-tactique voire même à arrêter par la suite (souvent à adolescence ou
l'âge pré-adulte). Tous ne réussissent pas au plus haut niveau, ils sont en
réalité très rares…
4/ Quels sont les types demandes que vous
recevez pour vous occuper d'enfants en milieu sportif?
V L : Souvent, je reçois des enfants qui se sentent mal dans
leur pratique sportive mais qui souhaitent pourtant continuer à s’entrainer. Ça
peut être parce qu’ils ne trouvent pas leur place au sein du groupe, parce qu’ils
stressent trop avant une échéance ou parce qu’ils sont déçus de leurs résultats
et ont tendance à se rabaisser. Encore une fois, chaque demande est unique et
mérite une attention particulière. Parfois, une problématique dans le domaine
sportif peut refléter un mal-être plus profond, dans le domaine personnel ou
familial, qu’il est essentiel de prendre en charge dès que possible.
E M : Elles concernent principalement des sports
individuels et viennent souvent des parents, parfois de l’entraîneur rarement
de l’enfant lui-même. L’enfant ne reproduit pas son niveau de jeu de
l’entraînement en compétition, il est stressé et submergé d’émotions…Presque tous les sportifs qui viennent me consulter, peu importe leur âge, sont des perfectionnistes qui vont droit dans le mur de la frustration.
MD : Les
situations sont très variées. Les parents identifient, parfois à raison,
parfois à tort, quelque chose qui ne fonctionne pas chez leur enfant et qui a
un impact négatif tantôt sur leur performance en compétition (plus basse qu'à
l’entraînement), soit sur leur bien-être (l'enfant a l'air démotivé, ou triste,
ou pleur régulièrement...), soit les 2. Ils identifient aussi parfois des
pertes d'attention (concentration) ou de combativité qu'ils jugent inadéquates.
Dès lors, ils viennent me consulter pour régler le problème.
5/ Pouvez-vous nous expliquer brièvement votre
manière de travailler avec les enfants?
V L : Les enfants préfèrent travailler avec des supports
concrets : c’est plus simple de s’approprier une idée sur soi si on peut
la voir. Ainsi, le dessin, l’écriture, la construction de schémas et de
métaphores adaptées sont une bonne base de travail. De plus en plus, je me sers
aussi de la cinémathérapie, qui consiste à utiliser des supports
cinématographiques en fonction des goûts de l’enfant. Un film ou un
dessin-animé permet d’aborder des notions parfois complexes au travers d’un
personnage (qui peut vivre des difficultés semblables) et ouvrir des
discussions intéressantes. L’objectif, c’est d’aider l’enfant à découvrir d’autres
façons de faire pour s’enrichir. Quel que soit nos outils, il faut en
permanence s’ajuster, pour permettre aux enfants de communiquer et d’assimiler de
nouvelles façons de voir les choses.
E M : Très simplement en leur faisant vivre le jeu en « dédramatisant » la situation. Les amener à accepter de faire des erreurs, des fautes. Le champion fait tout pour gagner mais il accepte la défaite.
MD : Dans un premier temps j’analyse la demande et propose ou pas
un accompagnement. J’effectue un bilan de la situation du jeune. Plusieurs cas
de figure existent. La plupart du temps, il est indiqué de mettre place un
« entraînement mental ». Sur base du bilan, nous travaillons des
points spécifiques définis avec l’enfant (des objectifs), souvent en
collaboration avec l’entraîneur et/ ou les parents. Comme par exemple la
gestion du stress d’avant le match ou lors de moments importants, la confiance
en soi, que les enfants appellent le fait « d’oser » en compétition.
En fonction de la situation, je travaille aussi avec les parents et avec
l’entraîneur, avec qui j’essaie de collaborer. Rarement, j’entame une prise en
charge plus en profondeur, lors de stress pathologique par exemple. Parfois, je
dois orienter vers un collègue pour un travail systémique.
Après une série de séances d’entrainement mental incluant des
préparations de compétitons, j’effectue avec l’enfant un petit bilan des
progrès réalisés.
6/ Quelles techniques utilisez-vous en matière
d'entraînement mental et de préparation à la compétition avec les enfants?
Avez-vous l'un ou l'autre exemple?
V L : Il existe autant de façon de combiner les techniques que
d’enfant. Mais pour n’en citer que deux, il est possible par exemple de
travailler sur des techniques de respiration qui permettent aux jeunes sportifs
de savoir se calmer ou s’activer lorsqu’ils le souhaitent. C’est concret et
facile à mettre en place. On peut aussi utiliser la visualisation, accompagnée
de dessins pour représenter ce qui a été imaginé. Cette technique ouvre de nombreuses
possibilités : assimiler plus facilement de nouvelles informations, gagner
en confiance, dépasser certaines peurs ou récupérer plus vite après une
blessure ou un échec.
E M : Des techniques simples de respiration consciente : être attentif à l’expiration, ensuite à l’inspiration et décrire son ressenti tant physique, corporel que mental.
Des pratiques de relaxation adaptées et inspirées de la relaxation progressive ou différentielle de Jacobson. Faire vivre les sensations de manière consciente, en mouvement et au repos.
MD : Je fixe d’abord avec lui des objectifs en
utilisant certains médias, comme le dessin ou le jeu. J’essaie que le travail
soit accessible pour lui et puisse stimuler son attention et son intérêt. La
notion de plaisir est centrale car il n’est pas facile d’aborder des choses
personnelles à cet âge. Etre pratique et simple est important. Je travaille
avec des images, parfois des histoires, les situations compliquées, qui posent
problèmes à l’enfant. J’utilise des techniques comportementales, ou psychocorporelles
comme la respiration, la méditation ou encore la sophrologie… Le jeune est
invité utiliser un petit cahier, ce qui lui permet de pouvoir répéter ses
exercices, de retenir et d’évoluer.
7/ Travaillez-vous aussi avec les parents
et/ou l'entraîneur? Si oui, pouvez-vous expliquer comment?
V L : La confidentialité prime
toujours, bien évidemment, mais une communication juste et choisie permet de
trouver des stratégies communes et évite les désaccords et les non-dits qui
peuvent perturber le sportif. Je pense donc qu’une approche systémique est importante
et offre des avantages à toutes les personnes impliquées. Les parents et
l’entraineur peuvent s’adapter plus facilement à l’enfant lorsqu’ils
comprennent mieux ses besoins et sa façon de procéder. Par exemple, on ne
motive pas de la même façon quelqu’un qui a besoin de reconnaissance (« on est avec toi ») et quelqu’un qui
a besoin qu’on le bouge (« c’est qui
le plus fort ?! »). Le préparateur mental peut s’enrichir des
retours variés que fait l’entourage tout
en gardant le recul nécessaire. Enfin, cette implication partagée rappelle à
l’enfant qu’il a de l’importance puisque une véritable équipe se crée autour de
lui et s’intéresse à ce qu’il ressent pour mieux l’aider. Une autre manière de
renforcer des liens déjà très forts.
Je leur rappelle que l’enfant a besoin de sécurité, d’être rassuré et que le meilleur moyen c’est de rester simplement dans leur rôle de parents, sans se projeter sur son enfant et réaliser un rêve par procuration.
Lorsque j’accompagne des sportifs plus âgés je travaille toujours en étroite collaboration avec l’entraîneur qui participe aux séances le plus souvent possible. Ceci permet de donner des outils à l’entraîneur qui pourra les relier en situations sur le terrain.
MD : L’idéal est de pouvoir collaborer avec l’entraîneur (avec l’accord de l’athlète et des parents) d’échanger avec lui et de trouver des pistes de travail. Il connait bien l’athlète et le voit à l’entraînement et en compétition. Ce n’est pas toujours possible, car l’enfant ne le désire parfois pas. Je pratique aussi des entretiens avec les parents quand cela est nécessaire ou utile. L’idéal est que les parents gardent une position de parents, c’est-à-dire soutenante et ne prenant pas la position d’entraîneur ou de coach (même si parfois cela fonctionne). Mon travail est un espace pour l’enfant et mes contacts avec l’entourage nourrissent mes interventions avec lui.
Il m'arrive aussi de travailler uniquement avec les parents. Etre parent de jeune sportif n'est pas une vie simple et ceux-ci ont aussi besoin d'aide et de conseils. Lorsque des problèmes familiaux sont trop intenses, il m’arrive d’orienter vers un psychologue systémicien
9 commentaires
Très bon aspect des choses.Continuez dans ce
sens.
Rebonjour,
Connaissez vous educasport qui organise un colloque sur
"Comment concilier éducation et performance ?" et festysports.
très inttéressantes associations pour la promotion sociale du sport chez les jeunes (promojeunes).
Ce sont des reflexions pour des sports ou il y a du jeux. mais ceux ou la performence du corps et l'exploit ne revient qu'a la qualite du geste(athletisme,gymnastique ...) ont besoin d'un autre type de coaching ! avez vous des piste de reflexion?
Non, mais merci on va aller voir!
Merci Professeur ;)
Je travaille personnellement dans ces sports, et la sophrologie et la pleine conscience sont très utiles; n'hésitez pas à nous téléphoner pour échanger à ce sujet
Dans ce type de sport, vous pouvez remplacer le mot "jeu" par "s'amuser" ou se "faire plaisir". Quelque soit le geste, il est important que l'enfant se rappelle qu'il a choisit de le faire parceque ça lui plait. Pour exemple, j'ai travaillé avec une jeune gymnaste qui ne parvenait plus à faire un élément technique qu'elle maîtrisait pourtant depuis longtemps. La première étape à été de lui rappeler qu'elle avait le choix et que personne ne pouvait la contraindre à le faire. Cette idée lui a permis de se repositionner comme actrice (et non victime) du mouvement. Lorsqu'elle a déterminé consciemment qu'elle voulait le faire pour elle (et non pour les autres), la deuxième étape fut de remettre du plaisir dans ce mouvement. "Au-delà de l'enjeu, qu'est ce qui te plait dans la gym? dans cet agrés? dans ce mouvement?". Dans son cas, elle aimait bouger vite et rebondir en souplesse. Ca lui donnait la sensation d'être une "balle qui joue". Repenser à cette image joyeuse et simple lui a permis de dépasser ses peurs et de reprendre possession de son mouvement. Revenir à l'essence même du sport, le plaisir aide toujours à progresser, d'une manière ou d'une autre.
Virginie Lemaire de Bressy
Bonjour, merci pour tous ces conseils et vos regards expérimentés sur l'enfant et la compétition. Je suis coach mental de golf et je viens d'être contactée par la Ligue de ma région pour suivre les jeunes espoirs; je suis impressionnée de constater à quel point ils sont déjà stressés par les enjeux de compétition (ils ont entre 12 et 15 ans).
Bonjour, ma fille (12 ans) et son équipe sont victimes (d'après moi) d'un entraineur qui crie, leur dit souvent "c'est nul". dernièrement à la mi-temps, au vestiaire: "je me fais chier pour vous et c'est du n'importe quoi", il prône l'agressivité sur le terrain. le directeur sportif et les parents ont l'air de suivre la même logique. j'habite un petit village mais vient de la ville. ici, même les instituteurs primaire crient toute la journée. Au secours, pourriez-vous m'aider, me conseiller un ouvrage à leur mettre entre les mains (pas trop long, ils ne le liront pas) Que puis-je faire? Je ne pense plus qu'à ça. Vous pouvez me joindre au 0489/62 32 84 ou pasbro@hotmail.com Toute aide de toute personne est la bienvenue
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